article à paraître sur l'éducation

Repositionnons le débat sur l’éducation !

S’il y a un mot qui s’est trouvé au cœur des conversations individuelles, des débats publics et des événements de l’année 2005, c’est bien le mot « éducation ». Je pense que cela est légitime, mais je pense que nous avons tort de simplement critiquer l’école. L’Education Nationale a des questions à se poser, mais elle n’est ni la cause unique, ni la solution miracle à tous les problèmes de la société. Les adultes, dans leur rôle de parent, de travailleur et de citoyen, doivent aussi se remettre en question. Je précise que je fais partie de cette catégorie et que je ne suis pas enseignant.

Nous autres parents, avons-nous remis à jour nos méthodes éducatives ? Nous continuons trop souvent avec la permissivité, les convictions molles et le jeunisme, attitudes faciles à utiliser à court terme, mais qui s’avèrent être des catastrophes à moyen-long terme. Nous devons assumer notre rôle de transmetteur de référentiels qui complètent l’enseignement prodigué à l’école. La reconnaissance des enfants pour les adultes ne provient pas de la satisfaction de tous leurs besoins petits ou grands, mais de la transmission de valeurs, de la communication d’expériences de vie, et de la qualité du dialogue établi.

Nous autres travailleurs, sommes-nous volontaires pour nous former et évoluer avec le monde du travail ? Nous sommes trop souvent contents de nos acquis, nous voulons les garder contre vents et marées sans nous remettre en cause. Cette attitude a les conséquences économiques que tout le monde connaît aujourd’hui, mais, plus grave, elle nous incite à nous renfermer sur nos vieilles croyances, à ne pas nous ouvrir aux nouveautés et elle donne un mauvais exemple aux jeunes, leur laissant croire que le statisme et le radicalisme des positions sont une stratégie gagnante.

Nous autres citoyens, parlons-nous avec recul et jugeons-nous avec lucidité ? Nous sommes trop souvent installés dans notre petit confort et nous n’avons pas très envie de faire des efforts intellectuels. Combien d’entre nous prennent le temps de lire des ouvrages de vulgarisation scientifique pour se maintenir à jour ? Combien d’entre nous regardent les émissions de télévision thématiques pour se cultiver et mieux comprendre les évolutions sociologiques ? Combien d’entre nous ont lu le projet de constitution européenne avant d’aller voter ? Pour ne pas donner aux jeunes l’image de citoyens passifs ou qui se laissent manipuler, nous devons constamment parfaire notre connaissance des sujets d’actualité.

Au lieu de rechercher des causes politiques à tout bout de champs, des boucs émissaires à tous les coins de rues et des moyens que nous n’avons plus pour colmater des brèches, il me semblerait préférable de réaliser que nous traversons une crise de l’éducation (avec un petit « é ») qui concerne tout le monde. Nous devons reconnaître nos responsabilités d’adultes, regarder nos faiblesses en face et tenter de les corriger afin de mieux relayer l’action des professionnels de l’éducation.

Partant d’un tel constat, il me semble possible de dépassionner le débat et de réfléchir ensemble aux éléments à modifier au sein de l’école, de la cellule familiale, de l’entreprise, de la société dans son ensemble... Il ne s’agit pas de demander une nouvelle réforme gouvernementale mais de rassembler toutes les personnes compétentes avec celles de bon sens et de bonne volonté afin de renouveler les méthodes éducatives. L’urgence est de multiplier les initiatives locales, par exemple des ateliers de quartier pour faire plus de soutien scolaire, des bistrots de rencontre pour se tenir à jour et débattre de sujets d’actualité, des associations locales pour susciter la création artistique, … Pourquoi ne pas demander aux retraités d’aider les parents en difficultés éducatives ? Pourquoi ne pas demander à tous les universitaires de donner une conférence par mois dans une entreprise ? Pourquoi ne pas demander aux artistes de s’engager plus fortement dans les associations de quartier ? Les initiatives doivent jaillir localement de partout sans attendre que l’état solutionne les problèmes. C’est un changement d’état d’esprit de chaque citoyen sur l’éducation pour tous et par tous qui fera un changement national.

On dit souvent que la France manque de projet commun qui engage tout le monde à long terme. Je propose celui-ci : rénover l’éducation à tous les niveaux afin que chaque citoyen se sente à même de vivre en France sereinement en citoyen lucide. Le lien social, le respect des autres, le vivre ensemble ne se décrètent pas, ils ne tombent pas non plus du ciel. Seuls la lutte contre l’ignorance, l’appel à la lucidité, le rappel des valeurs combinés à la construction d’un projet commun sont à même de faire sortir notre pays de cette difficile période qu’il traverse.

Bruno Dufay

19 janvier 2006